MALTRAITANCE : SIGNALEMENT, MODE D'EMPLOI

 

               Maltraitance : Le signalement, mode d’emploi

PAR MAITRE FITOUSSI (avocate au Barreau de Paris)


 

   La faiblesse de l'évaluation des besoins de l'enfant et de sa famille, ont été à l'origine de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.
Cette loi améliore le dispositif d'alerte, d'évaluation et de signalement en créant dans chaque département une cellule chargée du recueil, du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être.
   Pour le législateur en 2007: « L'objectif était de croiser les regards sur une situation familiale et de favoriser les analyses conjointes ». Mais le signalement reste un cas de conscience, le choix personnel d’un professionnel ou l’acte de courage d’un simple témoin qui ose dénoncer, signaler c’est prendre la responsabilité de faire évoluer une situation familiale complexe dont on ne maitrise pas tous les ressorts, mais c’est aussi l’obligation de faire cesser un délit dont on a pu avoir connaissance.
   Le signalement est quelquefois instrumentalisé par un parent contre l’autre, pour obtenir la garde d’un enfant, on pour « gagner » dans une procédure de divorce, mais il n’en demeure pas moins un acte de citoyenneté essentiel et quelquefois vital pour celui qui ne peut pas parler, muré dans sa douleur et l’horreur de son quotidien: l’enfant victime de violence.

   Je vous propose une fiche pratique pour vous aider à parler de l’indicible et à réagir devant l’intolérable : la souffrance d’un enfant.

                         Qu’est ce que le signalement ?

   Le signalement est un : "écrit objectif comprenant une évaluation de la situation d'un mineur présumé en risque de danger ou en danger nécessitant une mesure de protection administrative ou judiciaire".
   Il apparaît donc indispensable de cerner précisément et objectivement le signalement car il est déterminant pour assurer la protection des enfants qui ont besoin d'aide ou qui sont en danger.

   Le signalement se distingue de l'information. En effet, informer consiste à porter à la connaissance des équipes de professionnels (assistantes sociales, psychologues, médecins ou infirmières scolaires..) par voie orale (entretien, téléphone) ou écrite (courrier, télécopie) la situation d'un enfant potentiellement en danger (inquiétude sur des comportements inhabituels, faits observés, propos entendus ou rapportés), alors que signaler consiste à alerter l'autorité administrative ou judiciaire, après une évaluation (pluridisciplinaire si possible) de l'enfant, en vue d'une intervention institutionnelle.                                          

   Cette distinction information/signalement est de nature à apporter une réponse administrative ou judiciaire justifiée et adaptée à la situation de l'enfant.
   Par ailleurs, il ne faut pas oublier que des maltraitances entendues au sens large ne recouvrent pas systématiquement des infractions pénales.

                                    Qui doit signaler ?

   D’une manière générale, la loi impose à chacun de ne pas se taire et d’agir lorsqu’il a connaissance de la situation d’un enfant en danger ou en risque de l’être.
Ainsi, l’article 434-1 du code pénal fait obligation à quiconque, ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, d’en informer les autorités judiciaires ou administratives.
   L’article 434-3 du code pénal oblige pareillement quiconque, ayant connaissance de privations ou de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligées à un mineur de 15 ans, ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, à en informer les autorités judiciaires ou administratives.
   Par ailleurs, le code pénal réprime à la fois l’omission d’empêcher une infraction (article 223-6 alinéa 1er) ainsi que l’omission de porter secours (article 223-6 alinéa 2) Si ces dispositions obligent tous les citoyens, elles s’imposent avec d’autant plus de force à l’égard des fonctionnaires de l’Education nationale qui, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, sont tenus de donner avis sans délai au procureur de la République de tout crime ou délit dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
   Il faut éviter de rester seul face à une situation préoccupante d’enfant en danger ou en risque de l’être. En cas de besoin, tout personnel de l’éducation nationale pourra prendre l’attache des services sociaux ou médicaux pour un conseil technique.
   Les personnes-ressources au sein de l’Education Nationale sont les assistantes sociales scolaires, les médecins scolaires, ect…Dans les cas de présomption de violence physique, le médecin scolaire ou le médecin, responsable départemental doit être averti en urgence pour un éventuel constat médical.

                                                 À qui signaler ?

1. Au Président du Conseil Général du département où réside l'enfant.
La transmission d’information(s) préoccupante(s) au Conseil Général (service de l’aide sociale à l’enfance, Cellule Enfance en Danger) est effectuée dans les cas de situations préoccupantes d’enfant en risque ou de suspicion de maltraitance (sans forcément que les faits soient avérés).
   La Cellule Enfance en Danger du Conseil Général est chargée du recueil, du traitement, et de l’évaluation de ces informations. Après évaluation, la Cellule Enfance en Danger du Conseil Général peut saisir, si nécessaire l’autorité judiciaire

2. Au procureur de la République représenté par le substitut des mineurs au tribunal de grande instance dans les cas d'extrême gravité ou d'urgence
   Le signalement au Procureur de la République est effectué pour les situations d’urgence avérées nécessitant une protection immédiate du mineur : maltraitance avérée (avec si possible constat de coups), violences sexuelles ou suspicion de violences sexuelles,… Tout personnel de l’Education Nationale à l’origine de la transmission d’information(s) préoccupante(s) au Président du Conseil Général ou d’un signalement au Procureur, est tenu d’en informer :
- Le directeur d’école ou le chef d’établissement
- L’inspecteur de l’Education Nationale chargé de circonscription
- L’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux
   Un double de ces écrits doit systématiquement être transmis sous pli portant la mention " confidentiel " à l'Inspecteur d'Académie.
   La hiérarchie ne se substitue pas à la responsabilité individuelle de celui qui a eu connaissance d’un crime ou d’un délit (art. 40 du code de procédure pénal).
La conseillère technique départementale du service social élèves est responsable, sous couvert de l’Inspecteur d’Académie, du recueil de tous les signalements émanant de l’Education Nationale. Ces données permettront une lecture statistique des situations de mineurs maltraités recensées dans les établissements scolaires du département.
   La conseillère technique départementale informe le Conseil Général (Mission de protection de l’enfance) des signalements adressés au Procureur.
Que signaler ?
   Tous les éléments qui peuvent constituer une présomption ou une constatation de sévices, de privation ou de délaissement, etc. L'auteur du signalement n'est pas tenu d'apporter la preuve des faits
   Lorsqu’un professionnel est amené à recueillir les confidences d’un enfant, il veille particulièrement à ne poser que des questions non suggestives et à retranscrire mot à mot les paroles du mineur ainsi que les questions éventuelles auxquelles elles font suite. Pour la rédaction des propos de l’enfant, il convient d’utiliser les guillemets ou à défaut le conditionnel. Il note avec précision le contexte et les circonstances dans lesquelles l’enfant a fait ses révélations. Dans les cas de présomption de violence physique, le médecin scolaire ou le médecin, responsable départemental doit être averti en urgence pour un éventuel constat médical. Lorsqu’un professionnel est amené à recueillir les confidences d’un enfant, il veille particulièrement à ne poser que des questions non suggestives et à retranscrire mot à mot les paroles du mineur ainsi que les questions éventuelles auxquelles elles font suite.
   Pour la rédaction des propos de l’enfant, il convient d’utiliser les guillemets ou à défaut le conditionnel. Il note avec précision le contexte et les circonstances dans lesquelles l’enfant a fait ses révélations.

                              
Comment signaler ?
Par écrit :
Une lettre simple contenant :
   - Les coordonnées de la personne qui signale, votre situation (ou profession), votre service le cas échéant, vos coordonnées.
   - Les coordonnées du mineur concerné (identité de l'enfant, âge ou date de naissance, nom(s) des parents, adresse(s) des parents)
   - Un Descriptif circonstancié des faits (faits constatés ou rapportés sans jugement de valeur).
 
Par téléphone (dans tous les cas d'urgence): Un signalement téléphoné par un professionnel doit toutefois être confirmé par un écrit.
   Le téléphone vert national est le : 119
Le 119 est service d'accueil téléphonique national gratuit est chargé de recueillir les signalements concernant les enfants maltraités. Il fonctionne 24h/24h et a pour vocation à la fois le recueil de signalements et l'écoute des personnes et mineurs en difficulté pour leur apporter aide et conseils.
L’appel peut rester anonyme et n’apparaitra pas sur la facture de téléphone.

Quelles suites au signalement ?
- Sur plan administratif
Les suites administratives concernent :
- Les enfants maltraités ou présumés tels dont il est possible d'évaluer la situation et pour lesquels la famille accepte l'intervention des services médicaux du Conseil Général
Ainsi, tout signalement d'enfant en situation de risque fait l'objet d'une évaluation par une équipe pluridisciplinaire de circonscription (assistante sociale, médecin etc.).
Après l'évaluation, 4 possibilités sont ouvertes :
   - Classement sans suite dans le cas où le danger n'est pas avéré.
   - Suivi social et/ou protection maternelle infantile
   - Intervention au titre de l'Aide Sociale à l'Enfance mandatée par l'inspecteur de l'ASE (mesures éducatives, proposition de placement etc.)
   - S'il se confirme que l'enfant est en danger et/ou que la famille n'adhère pas à l'intervention du service, l'inspecteur signale la situation de l'enfant au Procureur de la République
   - Sur le plan judiciaire
   Le signalement prendra une tournure judiciaire lorsque le mineur se met lui même en danger ou dans le cadre de la délinquance (le mineur en cause paraît avoir été victime d'une infraction pénale portant atteinte à sa personne dans son intégrité physique et morale (violences, agressions sexuelles etc.)
   Ce signalement est adressé au Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance qui pourra décider d'aviser le juge des enfants de la situation.
Le juge pourra alors opter pour une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert et désigner une personne ou un service pour apporter aide et conseil à la famille.
Il peut aussi subordonner le maintien de l’enfant dans son milieu à des obligations particulières (ex : fréquenter un établissement sanitaire ou d’éducation, etc.).
En dernier recours, le juge peut retirer l’enfant de son milieu et le placer. Mais les liens avec la famille doivent être maintenus dans la mesure du possible.
Quelle que soit la mesure prise, les parents restent titulaires de l'autorité parentale et peuvent faire appel de la décision Dans le cadre d’un signalement au sein de la famille, les conseils et l’aide d’un avocat sont donc essentielles pour agir.


http://www.fitoussi-avocat.com/



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